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Valorisation des coproduits alimentaires : les consommateurs sont-ils prêts?

Atelier d’ultrafiltration pour la valorisation des protéines de lactosérum
Agroalimentaire
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Tous les campus

La valorisation de coproduits de transformation alimentaire devient un enjeu d’importance pour une alimentation durable. Mais pourquoi est-ce encore si peu adopté dans l’assiette des consommateurs ? Apprenez-en plus en lisant l’article de Colombe St-Pierre, enseignante et cheffe de programme Technologie des procédés et de la qualité des aliments de l’ITAQ et Catherine Dancause, chargée de projets innovation, recherche et développement du Centre de développement bioalimentaire du Québec.

Un coproduit alimentaire est une matière résultant d’un processus de transformation, qui n’est ni le produit final, ni un déchet. La différence entre le coproduit et le déchet de production réside dans son potentiel de valorisation économique et de retransformation.

Au même titre que les produits alimentaires moches présentant des défauts de morphologie, les coproduits alimentaires sont de plus en plus intégrés dans les aliments transformés. En valorisant ces aliments qui auraient auparavant été jetés, l’industrie agroalimentaire propose aux consommateurs de nouveaux aliments, tout en maximisant les ressources disponibles. C’est la définition même de l’économie circulaire qui porte sur deux mécanismes principaux: repenser la production et la consommation et optimiser l’utilisation des ressources en circulation.

Bien que cette tendance soit prometteuse et que les consommateurs y soient de plus en plus sensibilisés, le manque de connaissances à l’égard des produits revalorisés et les préjugés quant à leur qualité se répercutent sur la place qu’ils occupent dans les supermarchés.

Cycle de valorisation des coproduits
LA PERCEPTION DES CONSOMMATEURS

Le Centre de développement bioalimentaire du Québec (CDBQ) mène un projet soutenu par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) visant à valider certaines hypothèses en lien avec les caractéristiques nutritionnelles, durables et organoleptiques de coproduits alimentaires. L’objectif de ce projet est de renforcer la démarche d’écoconception d’aliments santé de l’industrie, en plus d’augmenter l’attractivité de ces aliments. Dans cette démarche d’innovation en amont, la première étape a consisté à prendre le pouls des consommateurs afin d’analyser les opportunités commerciales ainsi que les forces et les faiblesses des coproduits et à comprendre les perceptions du marché par rapport aux aliments valorisés et leur synergie avec la santé.

Les résultats obtenus démontrent que les consommateurs ont des opinions divergentes face à la consommation d’aliments intégrants des coproduits. Une forte majorité d’entre eux trouvent ce concept très attrayant. Cependant, les critères de goût, de texture et de prix demeurent de loin les plus importants lorsqu’ils choisissent de déposer un produit dans leur panier d’épicerie. Ils ne sont pas prêts à faire de compromis sur ces critères au profit d’une alimentation durable.

À l’opposé, un peu moins du quart des répondants ont l’impression que des « déchets alimentaires » de moindre qualité seraient intégrés dans les aliments et que ces derniers subiraient une surtransformation, les rendant moins bons pour la santé. Ces consommateurs demeurent donc méfiants à consommer des aliments issus de l’économie circulaire puisqu’ils n’ont pas toutes les informations en main pour faire des choix éclairés lorsqu’ils font l’épicerie.

LES DÉFIS DES COPRODUITS

Les produits alimentaires durables présentent certaines contraintes, ce qui limite l’adhésion des consommateurs.

Offre nichée

Les produits durables se positionnent souvent comme des produits haut de gamme. Ces aliments onéreux se retrouvent surtout dans des magasins d’aliments spécialisés ou en ligne, rendant l’offre très nichée. L’élargissement futur de l’offre augmentera leur accessibilité économique à une clientèle plus large.

Visuel hors standard

Le critère visuel est directement associé à la fraîcheur et à la qualité perçues d’un produit. Par conséquent, la couleur, la forme ou la texture différente de certains aliments contenant des coproduits alimentaires ou des ingrédients moches peuvent déranger les consommateurs.

Coût de la transformation

Comme certains coproduits sont très périssables, ils doivent être stabilisés et transformés avant d’être valorisés. Ces opérations nécessitent souvent une main-d’œuvre supplémentaire, des équipements spécialisés ou des espaces d’entreposage réfrigérés, ce qui fait augmenter le prix de vente. Lorsque la pratique sera libéralisée et que les investissements seront amortis, tous, autant l’industrie que les consommateurs seront gagnants aux plans économique et durable.

LES BÉNÉFICES DE LA VALORISATION

Diminution de l’empreinte écologique

L’utilisation de coproduits par les entreprises de transformation alimentaire permet de détourner les résidus organiques des sites d’enfouissement, une pratique qui deviendra d’ailleurs obligatoire dès 2024 selon la règlementation provinciale.

Récupération d’éléments nutritifs

Les coproduits peuvent contenir une source élevée d’éléments nutritifs tels que des fibres, des vitamines et des antioxydants. Leur utilisation peut donc participer à augmenter l’offre d’aliments santé.

Avantages économiques

L’intégration des coproduits alimentaires permet de gérer les ressources de façon plus durable et d’appliquer le concept d’économie circulaire. Ainsi, toutes les parties en tirent profit.

LE RÔLE DE L’INDUSTRIE

L’industrie de la transformation alimentaire peut jouer un rôle important auprès des consommateurs en les informant et les rassurant sur la qualité des coproduits. Cette sensibilisation peut passer notamment par la publicité et la mise en valeur des informations clés sur l’emballage des produits.

Un exemple à suivre

En matière de marketing et de positionnement, il est avantageux pour les transformateurs de jumeler différents attributs des aliments valorisés pour les rendre plus attrayants. Les craquelins à base de drêches de la compagnie Malterre, développés en collaboration avec le CDBQ sont un exemple de succès. Leurs craquelins valorisent non seulement un résidu qui aurait été éliminé, mais ils sont également bons pour la santé puisqu’ils contiennent une quantité de fibres plus élevée qu’un craquelin régulier et sont fabriqués au Québec, à partir d’ingrédients locaux.

Garantie de qualité

Le déploiement de nouvelles certifications relatives à la valorisation de coproduits dans les aliments pourra permettre à la fois d’encadrer et de faire connaître la pratique. On observe d’ailleurs déjà quelques organismes qui ont commencé à mettre de l’avant de telles certifications et leurs logos, comme le programme américain Upcycled Certified® qui figure parmi les plus populaires. L’adhésion de l’industrie aura pour effet de donner une crédibilité à la démarche et une garantie de qualité à ses consommateurs.

Il ne s’agit que d’un échantillon des solutions possibles à adopter. Il est du rôle de chacun de mettre en place des moyens afin d’encourager la consommation de ces produits revalorisés puisqu’une augmentation de l’offre aura pour effet de hausser la demande.

LES PERSPECTIVES POUR L’AVENIR

Le sondage consommateur mené par le CDBQ démontre également que plus des trois quarts de la population n’a jamais ou n’a que vaguement entendu parler du concept de valorisation de coproduits alimentaires.

Pourtant, des options clé en main d’aliments écoresponsables pourraient être une voie facile et applicable au quotidien pour les consommateurs de faire leur part et de changer les choses.

DE LA VOLONTÉ À L’ACTION

L’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ) et le CDBQ sont deux acteurs qui déploient des efforts pour accélérer la mise en œuvre des pratiques de valorisation des coproduits.

À titre d’exemple, l’ITAQ enseigne la valorisation des coproduits laitiers issus de la fabrication fromagère tant dans l’AEC Technique de transformation de lait en produits laitiers que dans le DEC Technologie des procédés et de la qualité des aliments (TPQA). En TPQA par exemple, le lactosérum issu de ce processus est réutilisé pour la fabrication de ricotta. Les étudiants ainsi formés et sensibilisés sauront mettre ces connaissances à profit dans chacun des milieux où ils œuvreront.

L’ITAQ est le seul établissement dédié exclusivement à l’agroalimentaire au Québec. Il possède ses propres installations pédagogiques spécialisées sur le site même de ses campus à La Pocatière et Saint-Hyacinthe (usines expérimentales). En plus des parcours de formation du niveau DEC et AEC, l’Institut offre un large éventail de formation continue et sur mesure en transformation alimentaire pouvant appuyer les entreprises dans leurs projets de valorisation de co-produits alimentaires.

Le CDBQ, pour sa part, est un précurseur et un leader de l’innovation dans le secteur agroalimentaire qui intègre l’économie circulaire et le développement durable à travers chacun de ses secteurs d’activité. Cela se matérialise entre autres par l’appui aux entreprises de toutes tailles pour l’écoconception de produits alimentaires innovants et l’accompagnement vers des modes de pensée durables.

La synergie de ces initiatives procurera des outils aux entreprises de transformation alimentaire pour tendre vers des pratiques d’affaires écoresponsables et de technologies propres.

Cet article a paru dans le magazine L’Actualité alimentaire de décembre 2023.

Bas de vignette de la photo principale : Atelier d’ultrafiltration pour la valorisation des protéines de lactosérum – AEC Technique de transformation de lait en produits laitiers de l’ITAQ.

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